Mont: | Marshall |
Hauteur: | 4,360 pieds (1,328m) |
Rang: | 25 |
Date: | 5 septembre 2014 |
Accompagné de: | N/A |
Au sommet du Mont Marshall.
Une ascension qui n'a été ni aussi facile, ni aussi glorifiante que je l'avais imaginé en commençant la journée...
Je commence ma journée de marche un peu après 7h00.
Les prévisions de la météo sont presque parfaite: du soleil, zéro chance de pluie et un maximum de 30 degrés Celsius.
J'ai mis mon chandail fétiche. Un vieux t-shirt en simili-ratine gris que j'ai porté, il y a 20 ans, lors de mon premier trek aux Adirondacks.
Mon coeur est gonflé de courage. Dans mes oreilles retenti l'hymne du héro invincible. J'anticipe une marche sans faille et une journée remplie de ma gloire incommensurable.
La réalité sera un peu différente...
Calamity Pond. À part du fait que le sentier semble constellé de toile d'araignée, au point où j'ai les mains au visage en quasi-permanence, jusque là rien ne pourrait aller mieux. Je m'imagine même compléter tout mon trajet en moins de huit heures. Mon optimisme est exalté par le décor enchanteur qui a été tout spécialement créé pour moi aujourd'hui.
À l'extrémité est de Calamity Pond, un monument indique l'endroit où David Henderson "a accidentellement perdu la vie en 1845". Euh... Je ne sais pas de quoi il est mort, mais j'imagine du coup un homme affalé sur ce rocher avec de multiples blessures sanglantes.
Je poursuis mon chemin avec empressement.
Flowed Land. On voit le mont Colden en arrière plan.
Jusqu'à présent j'ai fait un très bon temps. J'ai négocié toutes les bifurcations sans hésitation et sans faute. Je suis un coureur des montagnes rien de moins que légendaire!
En arrivant à Flowed Land, il y a une station d'enregistrement, ainsi que de nombreuses indications... que j'ai malheureusement ignorées.
Pour Marshall, il est important de prendre la piste rouge en direction de Marcy. Il s'agit du sentier qui fait face à la station d'enregistrement.
À ce point, il y a trois sentiers possibles. C'est le seul que je n'ai pas pris...
Au sud de Flowed Land, un beau panorama qui permet d'apercevoir Iroquois et Algonquin.
Malheureusement pour moi, je suis allé dans la mauvaise direction.
Deux kilomètres, et près d'une heure, à ajouter à mon parcours...
De retour à Flowed Land, j'emprunte le sentier qui longe le plan d'eau.
J'ai une sensation de "grands espaces" assez inhabituelle pour les Adirondacks. En effet, les sentiers sont généralement sous la canopée et distants des points d'eau.
Mon sixième sens sonne l'alerte jaune, mais je me laisse distraire par la splendeur du paysage.
Plus je progresse, moins le sentier est visible. À un moment donné, la falaise qui est à ma gauche rejoint le ruisseau qui est à ma droite. C'est l'impasse.
Selon mon GPS, j'ai parcouru un sentier parallèle à celui que j'aurais dû prendre. Je suis à moins de cent mètres au sud du point où je devrais être.
J'ai deux choix: rebrousser chemin, et perdre 3 ou 4 kilomètres, ou essayer de grimper un pan de roche vertical de douze pieds.
À ce point, les chants glorieux se sont tus et mon estime personnelle est en-dessous du niveau de la mer. Je tente d'escalader la muraille, mais il n'y a pas suffisamment de prise. De toutes façons, j'ai une bursite-capsulite-tendinite de l'épaule et mon bras gauche est à toutes fins pratiques inutilisable.
Je prends alors une minute pour macérer dans un état de misère crasse. Ensuite, je prends un peu de recule et je note la présence de végétation qui pend du haut de la falaise. Tant bien que mal, je fini par grimper en passant d'un arbre (branches? racines?) à l'autre. Tout au long de cet exercice, je m'étonne de mon manque de jugement. Si je tombe (très probable) et que je me blesse (très probable), il sera presque certain que personne ne me retrouvera à cet endroit. Mais qu'est-ce qui me prend???
Malgré que leurs chants aient cessés, les anges veillent sur moi. Je réussis à atteindre le haut sans que les membres de ma famille aient à ériger un monument en ma mémoire sur les bords du Flowed Land...
Étrangement, une fois rendu en haut, je note la présence d'une corde d'alpinisme. Qu'est-ce qui se passe ici?
Ma confusion est d'autant plus grande qu'il n'a pas de sortie. Le cul-de-sac est complet.
Mon dilemme se poursuit donc. Est-ce que je redescends? Ou est-ce que j'essaie de rejoindre le sentier en "bushwacking"?
(Note: mon état frisant la panique, je n'ai pas pensé à prendre de photos. La photo ci-dessus représente cependant assez bien ma situation).
Encore une fois, il s'agit d'une photo qui ne m'appartient pas, mais qui illustre bien mon pétrin.
Je marche sur plusieurs épaisseurs de troncs d'arbres pourris sur lesquels des petits sapins durs et piquants ont poussés. On appel cela du "Cripplebrush". Mes jambes s'enfoncent dans le plancher de végétation friable. Mon corps est grafigné de toutes parts. J'ai du mal à voir où je vais. Mon progrès se mesure, littéralement, en centimètres. Je ne suis pas en train de m'amuser.
Au bout d'une demi-heure, je rejoins enfin le sentier. Malgré l'aide de mon GPS, j'ai zigzagué et presque tourné en rond.
Je suis maintenant un marcheur humble, pour ne pas dire humilié...
Le magnifique lac Colden.
Je ne l'ai pas encore réalisé, mais j'ai passé la bifurcation d'Herbert Brook pour le mont Marshall. Il y a un autre chemin, Cold Brook Pass, et je suis dessus, mais je me rallonge (encore!) de 3 ou 4 kilomètres.
Le mont Marshall en approchant par le nord-est.
Il s'agit d'un chemin très peu fréquenté. En plus d'ingurgiter beaucoup de toile d'araignée en cours de route, le sentier est à peine praticable pour des pygmées. Je marche plié en deux avec les épaules de côté. Les probabilités d'énucléation sont dangereusement élevées.
Heureusement, au retour je réussi à prendre le chemin qui passe par Herbert Brook, plus court et mieux entretenu.
Les couleurs de l'automne commencent à apparaître.
Le reste du trajet au retour se passe sans ennui supplémentaire. Bien sûr, comme toujours, c'est long. Mais il est à peine 18h00 quand je rejoins le stationnement. J'ai marché près de 30 kilomètres en 10 heures et demie.
Probablement ma dernière sortie de 2014, mais il me reste maintenant moins de 20 montagnes à faire.